Les contradictions de vos personnages, source de conflits multiples (1/3)
# 40 - ... quand tout le sel se trouve dans les frictions
Hello 👋🏼
Bienvenue dans ce numéro 40 de tchik tchak !
Pour rappel, tchik tchak c’est la newsletter sur l’écriture avec des solutions & des idées. Elle s’adresse à tous ceux qui sont curieux et qui veulent écrire, professionnellement ou non, que ce soit des histoires ou des scénarios.
Avant-propos : Cette exploration sur les contradictions des personnages est scindée en trois parties :
Les contradictions de vos personnages, source de conflits multiples
Mettre de l’ordre dans ses contradictions
Atelier pratique : où révéler et où résoudre les contradictions de vos personnages dans votre structure
(Si la lecture du mail ne se passe pas bien, vous pouvez le lire dans votre navigateur)
En un coup d’oeil :
Les contradictions, c’est la vie
Les 3 avantages de personnages bien contradictoires
La boîte à inspiration avec une proposition de reconversion et le livre le plus inutile jamais écrit
Dans le numéro 19, nous avions parlé d’astuces pour écrire des personnages profonds et complexes :
Une de ces astuces était Donner des traits contradictoires à vos personnages. Et c’est ce que nous allons creuser dans cette mini exploration en trois parties.
Nous avions vu pourquoi il est évidemment mieux d’avoir des personnages complexes plutôt que des personnages superficiels.
Vous ne serez donc pas surpris d’apprendre que des personnages avec des contradictions sont également préférables à des personnages aussi lisses que des bébés hippopotames.
Dans mes recherches, je suis tombée sur cette citation du président du FC Contradiction, Lajos Egri :
“Sans contradiction, il n’y a ni mouvement, ni vie, ni univers.” - (The Art of Dramatic Writing, 1923)
Je ne suis assez bonne ni en SVT ni en physique pour savoir s’il a raison concernant l’univers, mais ce qui est certain, c’est que bien travailler les contradictions de nos personnages peut nous aider à différents niveaux d’écriture.
Contradiction, définition
“Aspects opposés de sa personnalité, de ses désirs, de ses valeurs ou de ses croyances qui coexistent de manière inconfortable.”
On pourrait croire que le mot important ici est “opposés” mais en fait c’est “inconfortable”. Il suffit d’avoir un tout petit caillou dans la sandale pour le savoir.
Une contradiction dans les traits de personnalité devient un conflit interne si et seulement si cette contradiction génère de la tension.
Si cette contradiction n’est qu’une nuance ou une complémentarité, alors elle ne génère ni tension, ni conflit interne (elle peut même être un super-pouvoir, comme on a vu dans le numéro précédent).
Exemple : être à la fois rêveur et pragmatique sont des aspects certes opposés, mais ils cohabitent bien et forment une bonne équipe.
Quelques exemples en fiction où c’est inconfortable :
La contradiction entre un devoir de justice et un désir de vengeance (Maximus dans Gladiateur)
La contradiction entre l’idéalisme initial et le cynisme nécessaire à la survie (en politique pour Stephen Meyers dans Les Marches du Pouvoir ; en médecine pour Dr. Gregory House dans Dr House)
La contradiction entre le besoin d'indépendance et le désir de connexion émotionnelle (Holly Golightly dans Breakfast at Tiffany's, Don Draper dans Mad Men)
La contradiction entre la volonté de sauver des vies et le mépris pour l'humanité (Rorschach dans Watchmen)
Une contradiction est donc un élément psychique INTERNE mais ce sont bien des évènements & des obstacles EXTERNES qui révèlent les contradictions du personnage.
Sans ces éléments extérieurs, le personnage n’aurait pas à faire face / à agir en regard de ses contradictions, il pourrait rester dans son statu quo, il n’y aurait pas de conflits, et donc pas d’histoire.
(PS : les dilemmes moraux sont d’ailleurs de très bons catalyseurs extérieurs qui permettent de révéler, d’exacerber ou de résoudre ces contradictions - on en avait parlé dans ces deux numéros de tchik tchak que je vous invite à relire : Les 4 types de dilemmes moraux et Les 5 clefs pour construire et maximiser les dilemmes moraux)
Pour la faire courte, Contradiction = (Conflit Constant)²
Et si j’ai mis un petit ² ce n’est pas seulement pour rendre fiers mes parents, c’est avant tout car ce Conflit Constant se répercute à la fois dans le chemin interne du personnage (= sa transformation) et dans le déroulement de l’intrigue extérieure👇🏻
Les 3 avantages de personnages bien contradictoires
1) Un chemin interne débroussaillé
Les contradictions étant un conflit entre Moi et Moi, elles sont un excellent point de départ pour travailler le chemin interne de votre personnage.
Contradiction Révélée par un évènement extérieur 👉🏻 Doute & Questionnement sur l’attitude à adopter 👉🏻 Décision & Transformation du personnage
Au cours de l'histoire, les contradictions peuvent donc évoluer, conduisant à la croissance du personnage, à un changement de perspective ou sinon à une grosse dépression le clouant au lit (pas la meilleure option).
2) Une intrigue rondement menée
Les contradictions permettent également de faire avancer l'intrigue. Rien de tel qu’un personnage qui doit faire un choix, qui est confronté à une de ses contradictions et qui fait tout pour chercher une voie tierce, car :
ça le rend actif
ça rajoute automatiquement du conflit
& par exemple, ça structure bien le début de votre Acte 2
Contradiction Révélée par un évènement extérieur 👉🏻 Résistance, Friction & Conflit 👉🏻 Efficacité de l’histoire
De plus, un personnage peut faire des choix surprenants en raison de ses désirs ou croyances contradictoires, ce qui crée encore plus de tension et de conflit.
3) Une empathie décuplée
Les contradictions permettent finalement de s’assurer de l’adhésion du lecteur.
Contradiction Révélée 👉🏻 Reconnaissance & Résonance chez le lecteur 👉🏻 Adhésion & Empathie
Si votre personnage est bringuebalé entre toute une gamme d’émotions opposées, positives et négatives, qu’il est tiraillé entre logique et sentiment, attentes sociales et désirs profonds, ou encore entre changement et statu quo, alors notre empathie pour lui n’en sera que plus grande, car nous nous reconnaîtrons en lui.
Deux points à garder en tête cependant :
Il est essentiel d'équilibrer les contradictions pour que le personnage reste crédible et cohérent.
Trop de contradictions ou des contradictions mal développées peuvent donner l'impression que le personnage est incohérent, que vous êtes confus, et on décroche.
Chaque contradiction doit avoir une origine claire dans le passé ou la psychologie du personnage, sinon ça fait artificiel et on décroche.
Pour aider à définir cette origine, on peut d’ailleurs utiliser la méthode du Pourquoi en 5 étapes dont on avait parlé ici.
Ok, maintenant qu’on a vu en quoi les contradictions des personnages pouvaient nous aider à plusieurs niveaux, à nous de les définir précisément pour qu’elles nous servent au mieux dans notre structure.
Et c’est ce qu’on verra dans le prochain numéro.
✌🏼
Cette semaine dans la boîte à inspirations et recommandations, nous avons :
🗞️ La Revue de la Cité fait sa rentrée ! On continue notre cycle sur les liens entre Scénario & Sport, notamment à travers les manières dont les scénaristes représentent le sport.
Dans ce quatrième et dernier numéro de cette série, je vous propose d’explorer comment les scénaristes utilisent le sport pour illustrer la quête personnelle de leurs personnages.
💥 Si vous voulez qu’on se rappelle de vous des siècles après votre mort mais que vos producteurs ne se rappellent déjà pas qu’ils vous doivent l’échéance de ce que vous avez rendu il y a 3 mois, j’ai une autre voie pour vous.
“Roland the Farter”, aussi appelé Rollandus le Pettus, était un “péteur professionnel” qui vivait dans l'Angleterre médiévale du XIIe siècle.
Si fort dans son art que le Roi lui a offert un manoir de 12 hectares pour ses bons services.
Si fort dans son art qu’on parle encore de lui plus de 900 ans après sa mort.
😯 Vous savez que j’aime les liste, trier et classer. Mais là c’est trop, même pour moi. Le livre le plus inutile du monde : Madame Bovary dans l'ordre de Ambroise Perrin, aux éditions Bourg Blanc. Le concept ? Tous les mots contenus dans Madame Bovary réécrits, un par un, dans l’ordre alphabétique, en les comptant. Au total, 145.000 mots, 419 pages, 1,7 kilo de voyelles et de consonnes, 56 mois de travail.
🕰 En ce jour il y a un an, le 7 septembre 2023 je commençais à réfléchir à lancer une newsletter sur l’écriture. Aujourd’hui, elle vient de franchir un palier en étant envoyée pour la première fois à plus de 2000 abonné·es. Merci pour vos retours sur mes différents numéros, ça me fait très plaisir de voir que mon travail peut aider !
(Je me permets ce petit aparté inhabituel dans cette section car il ne s’est pas passé grand chose le 7 septembre si ce n’est le début du Blitz en 1940, mais ça ne m’a pas inspirée).
💬 La citation de la semaine :
“Un expert, c'est une opinion. Deux experts, c'est la contradiction. Trois experts, c'est la confusion.” - Anonyme
Remise en lumière de la semaine
Dans le prochain tchik tchak…
… on définit et on catégorise les grandes contradictions qui nous traversent.
À la semaine prochaine !
Pauline
Toujours aussi cool cette newsletter 😎
Passionnant, comme d'habitude (je me répète, je sais)