Les 5 clefs pour construire et maximiser les dilemmes moraux (2/2)
# 9 - ... ou comment rendre le conflit interne de votre personnage indéniable et inoubliable
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Allez, sortons la caisse à outils des dilemmes, lezgo 👇🏼
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En un coup d’oeil :
Les 5 clefs pour construire et maximiser les dilemmes moraux
La boîte à inspiration avec des trésors cachés et des Australiens pas très doués
Comme on l’a vu dans le tchik tchak précédent sur "Les 4 types de dilemmes moraux", adjoindre un dilemme moral fort à votre personnage est le moyen le plus efficace de créer un conflit interne engageant et impactant pour le lecteur.
Voici une liste de 5 clefs pour construire et maximiser la puissance du dilemme moral auquel fera face votre personnage 👇🏼
1️⃣ Donner de fortes valeurs à notre personnage à travers deux désirs… qui vont s’avérer contradictoires
Ici on est dans le premier acte d’un scénario, le statu quo, quand on pense qu’on peut avoir le beurre et l’argent du beurre avant que l’élément déclencheur ne vienne tout bousculer.
Il est très important que ces deux désirs soient constitutifs de l’identité de votre personnage, de la manière dont il ou elle se voit et s’identifie dans le monde.
Exemple : une femme veut 1) une relation sans drama avec son mari et 2) une totale transparence avec lui. Elle se perçoit comme une personne discrète qui mérite le respect.
Autre exemple : Kylian Mbappé veut 1) gagner la Ligue des Champions et 2) le faire au PSG pour marquer l’histoire. Il se perçoit comme le sauveur du peuple footix parisien.
2️⃣ Mettre ces désirs à l’épreuve
Le voilà l’élément déclencheur qui vient mettre la pagaille. C’est la fameuse question : “Qu’est-ce qui pourrait arriver de pire à mon personnage ?”.
Maintenant qu’on a défini la valeur la plus importante aux yeux de notre personnage, il faut trouver l’élément extérieur qui va (forcément) mettre au défi cette valeur.
Reprenons notre petite dame. Qu’est-ce qui pourrait lui arriver de pire étant donné son souhait le plus profond d’une relation sans remous et en toute transparence ? Elle remarque qu’il se met à acheter frénétiquement des pots de confiture… Or ils détestent tous les deux ça… Pas de doute : il la TROMPE avec une fan de confiture.
Du coup conflit interne : que doit-elle faire ? Si elle ne voulait qu’une relation sans drama avec lui, elle le laisserait faire. Si elle ne voulait qu’une relation en totale transparence avec lui elle le confronterait. Mais elle veut les DEUX. Tension Tension.
Reprenons Kylian : étant donné son ambition, qu’est-ce qui pourrait donc lui arriver de pire ? Réponse : le PSG, qui préfère le marketing au sport, n’a pas de mental et un bloc défensif poreux. Que va-t-il faire ? Fuir au Réal de Madrid gagner la 1000ème Ligue des Champions sans aucune gloire personnelle ? Rester à Paris coûte que coûte, quitte à terminer sa saison en décembre ? Tension Tension.
3️⃣ Mettre son personnage le dos au mur
Le personnage doit expérimenter toutes les phases du dilemme :
→ L’enjeu est énorme pour lui
→ Il doit forcément faire un choix et agir
→ Aucune des solutions n’est facile, elles sont terribles de manière égale pour le personnage (car d’un côté comme de l’autre il y a une “rupture” dans la perception de son identité)
→ Ce choix à faire augmente la tension et fait avancer l’histoire car le personnage est actif pour l’éviter tant que possible, chercher d’autres solutions, négocier, etc.
→ Le personnage devra assumer les conséquences de son choix, il sait qu’il n’y aura pas de retour en arrière et que sa vie en sera marquée pour toujours
Pour mettre son personnage dos au mur, il faut travailler sur la notion de ce qu’est le pire à ses propres yeux et le laisser envisager que c’est la seule option.
À la question “Est-ce que la fin justifie les moyens ?” on répond tous en choeur “Nooooon”. À celle “Est-ce juste de sacrifier un innocent ?” pareil “Nooooon”.
Evitons donc ces questions et reformulons : “Quand est-ce que la fin justifie les moyens ?”…… “Quand est-ce qu’il est juste de sacrifier un innocent ?”……
D’un coup elles résonnent différemment. Maintenant il suffit de se rappeler ses cours de philo et creuser, creuser, creuser pour arriver à une réponse ; ce sera le contexte qui va “coincer” notre personnage, la situation de l’élément déclencheur.
(attention ça ne veut pas dire que le personnage va de suite faire son choix en fonction, ça veut seulement dire qu’on aura trouvé la situation parfaite pour maximiser le dilemme, le moment d’extrême tortillage de ses valeurs)
4️⃣ Lier la nature du dilemme au genre de votre histoire
Le genre de votre histoire va influencer ses thématiques et donc le dilemme auquel votre personnage fait face.
Les polars vont explorer les thèmes de justice et injustice : par exemple, peut-on se faire justice soi-même quand la justice nous fait défaut ?
Les romances et mélodrames vont explorer les thèmes de loyauté et fidélité : par exemple, à quel moment vaut-il mieux cacher la vérité que de la révéler ?
Les sciences-fictions et fantasy exploreront les thèmes gravitant autour de l’humanisme et de la morale : par exemple, dans quelle mesure une entité doit-elle être consciente d’elle-même afin de pouvoir bénéficier des mêmes droits que les humains pleinement développés ?
5️⃣ Trouver une voie de sortie
"On ne peut pas résoudre un dilemme avec le même esprit que celui qui l'a créé.” — Albert Einstein
Eh bien SI Albert, car si E=m*c², un bon Auteur=(création*résolution de problèmes)²
Maintenant qu’on a vu en long, en large et en travers en quoi c’est un choix impossible pour notre personnage, et que le lecteur tourne les pages à toute allure pour savoir comment tout ça va bien pouvoir se terminer, il faut trouver une issue à tout ça - une issue qui ne soit pas décevante.
Généralement il y a deux issues :
Le personnage sacrifie quelque chose : plutôt que de choisir entre la peste et le choléra, il décide d’abandonner, à son compte, quelque chose qui lui tenait à coeur. Cela lui permet de montrer sa grandeur d’âme plutôt que de mettre en porte-à-faux d’autres personnages qui allaient forcément souffrir de son choix A ou B.
Le personnage invente une troisième option : évidemment c’est ce que le lecteur veut, une option où personne n’est lésé ou doit se sacrifier. Mais c’est un jeu d’équilibriste pour insérer une solution tierce qui ne fasse pas deus ex machina, c’est-à-dire qui tombe comme un cheveu sur la soupe car ça arrange bien les auteur·ices. Pour cela, il faut avoir planté subtilement quelques graines au fil du récit tout en faisant en sorte que leurs éclosions soient inattendues, originales et organiques.
Une de ces “Troisièmes Options” les plus célèbres nous vient directement de la Bible.
Avant-propos : je ne garantis pas l’exact exactitude de l’histoire que je vais retranscrire ci-dessous, mes connaissances de la Bible se limitent à Prince d’Egypte, le meilleur dessin animé de l’histoire.
Une femme (ça j’ai vérifié et je ne lui ai pas trouvé de nom, pourquoi lui en donner un me direz-vous) a priori mature et consentante vit sa vie (et encore, espérons qu’elle ait vraiment été consentante), mais des hommes la “surprennent” en train de commettre un adultère. À cette époque, dans cette culture, l'adultère était une infraction passible de la peine de mort. Comme ces hommes cherchaient avant tout à coincer Jésus pour lui montrer que sa doctrine de “pardon et miséricorde” était bancale et pas tenable, ils instrumentalisent cette femme et l’amènent devant lui pour lui demander “quoi faire” d’elle, sûrs de le coincer.
Et en effet, gros dilemme pour Jésus : s’il leur dit de la laisser partir libre, il enfreint la loi et les hommes l’arrêtent ; s'il leur dit de la condamner à mort, il sape son message de "pardon et miséricorde" et donc met à mal des années de lobby.
Le piège de ces hommes semble très astucieux et Jésus coincé… Jusqu'à ce qu'il réponde : "Que celui qui est sans péché parmi vous jette la première pierre."
Tout le monde se liquéfie. Aucune pierre n’est jetée. Troisième Option. “Une femme” est sauvée. Bien joué Jésus.
✌🏼
Cette semaine dans la boîte à inspirations et recommandations, nous avons :
💥 Ce papy taïwanais de 96 ans a sauvé son village de la démolition grâce à ses peintures. Le village accueille aujourd'hui plus d'un million de visiteurs par an et le gouvernement ne compte plus le démolir. Peut-être c’est ça la solution, faire une attraction touristique autour de notre système de santé, de retraite, d’éducation et sur notre service public ?
😯 N’hésitez pas à faire du tri dans vos greniers familiaux en ces fêtes de fin d’année, vous pourriez trouver un Botticelli estimé à 100 millions d’euros (ou retrouver des souvenirs d’enfance d’une valeur inestimable)
📚Pour ces fêtes de fin d’années, faites vous offrir ou offrez le super livre de Pauline Le Gall, Utopies féministes sur nos écrans : les amitiés féminines en action aux éditions Les Daronnes avec une superbe couverture d’Aurore Carric
🕰 En ce jour il y a 91 ans, en 1932 en Australie, l’armée australienne allait perdre une guerre qu’elle avait déclarée… contre la population d'émeus sauvages du pays. Oiseaux 1 - Mitraillettes 0.
💬 La citation de la semaine :
“Ma mère disait toujours : On devient de mieux en mieux en vieillissant, à moins d’être une banane.” – Rose dans Golden Girls
Dans le prochain tchik tchak…
… Ce sera déjà le numéro 10 et le dernier de 2023 ! On parlera de comment faire ses résolutions quand on est scénariste.
Et pour rattraper les anciens numéros c’est 👉🏻 par ici 👈🏻
À la semaine prochaine !
Pauline
Les références à Mbappé et à Shakira sont parfaites, merci Pauline !