Comment trouver la motivation quand elle se cache (1/2)
# 23 - ... ou comment se mettre en mouvement quand on n'a plus de jus
Hello 👋🏼
Bienvenue dans ce numéro 23 de tchik tchak !
Pour rappel, tchik tchak c’est la newsletter sur l’écriture avec des solutions & des idées. Elle s’adresse à tous ceux qui sont curieux et qui veulent écrire, professionnellement ou non, que ce soit des histoires ou des scénarios.
Avant-propos : Cette exploration sur la motivation est scindée en deux parties :
Comment trouver la motivation quand elle se cache
Comment garder la motivation au fil des projets
(Si la lecture du mail ne se passe pas bien, vous pouvez le lire dans votre navigateur)
En un coup d’oeil :
Remettre les choses dans l’ordre
Le principe du Petit Truc
La boîte à inspiration avec une teufeuse centenaire et un chevalier bibliothécaire
Quand on n’a plus de jus, on est fatigué·e. Quand on est fatigué·e, on espère qu’une force extérieure nous refera aller de l’avant.
On attend donc que la Motivation revienne et que l’Inspiration nous retrouve.
Et c’est seulement suite à ces retrouvailles qu’on espère pouvoir se remettre en mouvement et créer.
Mais cela marche rarement.
La Motivation est limitée, elle va et vient. L'Inspiration peut survenir au moment où on s’y attend le moins (ça c’est sympa) mais nous laisser sans ressources au moment où on en a le plus besoin (c’est moins sympa).
On ne peut donc pas s’appuyer sur ces éléments pour vivre une vie créative.
Comme disait très joliment Albert Camus :
“Là où il n’y a pas d’espoir nous devons l’inventer.”
La version plus coup de pied aux fesses nous vient de l’artiste Chuck Close :
“L'inspiration est pour les amateurs ; le reste d'entre nous se lève et va travailler.”
Je ne suis pas forcément d’accord avec l’emploi du terme d’”amateurs”1, mais ce qui est certain, c’est qu’on prend le problème dans le mauvais sens.
Dans son livre The Motivation Myth, Jeff Haden utilise cette métaphore feu de cheminée :
“La motivation n'est pas l'étincelle. C'est le feu qui commence à brûler après que vous l'ayez manuellement et péniblement fait naître. Il se nourrit de la satisfaction de vous voir progresser.”
Il ne sert donc à rien d’attendre d’être motivé·e ; l’étincelle originelle est à trouver ailleurs, et pour vous la faire courte :
C’est l’Action qui mène à la Motivation et à l’Inspiration.
Pourquoi ? Parce que l’Action crée du mouvement, ce qui crée des réactions émotionnelles, ouvre des horizons, permet de changer de point de vue, secoue le cocotier, inspire et, donc, motive. L’action c’est le futur. C’est pas moi qui le dit, c’est Socrate :
"Le secret du changement est de concentrer toute votre énergie, non pas à lutter contre le passé, mais à construire l'avenir."
L’Action est en plus la seule entité de ce schéma que l’on contrôle, la seule sur laquelle on puisse vraiment agir ; tout ceci est donc une bonne nouvelle, on ne dépend pas d’une entité capricieuse qui se trompe d’étage une fois sur six ! Yay !
Ainsi, on peut essayer de réorienter la chaîne linéaire du petit schéma triste ci-dessus de cette manière :
Déconnecter l’Action de la Motivation.
Déconnecter le Faire du Ressenti (surtout quand on n’a plus de jus).
S’ancrer dans une routine d’Action coûte que coûte (petites ou grandes).
Et deuxième bonne nouvelle, en la réorientant de cette manière, la chaîne de motivation devient une boucle sans fin.
En effet, si par essence la Motivation et l’Inspiration vont et viennent à leurs convenances, en leur donnant des raisons de rester, on peut les coincer dans cette boucle vertueuse.
C’est donc à nous d’agir pour les nourrir de petits plats délicieux, et de faire en sorte que leurs réserves soient régulièrement réapprovisionnées ; d’autant plus quand on n’a plus de jus créatif, et qu’elles commencent à se dire que cette auberge n’est décidément pas la plus fiable du royaume.
Mais comment faire quand on n’a plus de jus pour justement se lancer dans une Action et nourrir tout ce petit monde, me direz-vous ?
Il suffit de faire confiance au principe du Petit Truc.
Le principe du Petit Truc
Dans son ouvrage de référence The War of Art, Steven Pressfield résume la situation simplement :
"L'acte le plus important qu'un créatif fait est de passer du non-faire au faire."
Si vous manquez de jus pour faire ou changer quelque chose dans votre vie, il n’y a qu’une astuce : commencez à faire un Petit Truc.
Le principe du Petit Truc (je vous épargne l’acronyme) vous aide à réenclencher la machine : vous vous concentrez sur le démarrage, et pis c'est tout.
La journaliste et écrivaine britannique Harriet Martineau (1802-1876) fonctionnait aussi au Petit Truc :
“J'ai souffert, comme d'autres écrivains, d'indolence, d'irrésolution, de dégoût pour mon travail, d'absence d'inspiration et de tout cela : mais j'ai aussi constaté qu'en m'asseyant, même à contrecœur, la plume à la main, je n'ai jamais travaillé un quart d'heure sans me retrouver en pleine forme.”
Exemples de Petits Trucs pour relancer la machine
Quand on bloque dans la vie en général, pour (re)stimuler sa curiosité :
(Cette étape correspond en gros à la phase d’incubation du processus créatif dont on parlait dans cet article ; stimuler le cerveau naturellement pour qu’il puisse analyser, trier et faire des liens créatifs entre tout ce qu’il apprend).
Se faire son petit musée d’inspiration : dans le mien il y a Yes Please! d’Amy Poehler, le triptyque d’Austin Kleon, quelques Secrets d’Histoires, des podcasts sur la créativité et des bouquins sur toutes les femmes trop stylées de l’histoire qu’”on” a oubliées.
S’intéresser à un sujet nouveau ou à un autre domaine créatif pour réapprovisionner votre réserve.
Pour cela, je m’aide des questions Pourquoi, Comment, Quand et Qui pour creuser un sujet qui me titille auquel je ne connais rien.
D’ailleurs, dans ces périodes un peu plus molles, je vous conseille l’astuce de Léonard de Vinci : au lieu de se forcer à faire toujours plus de to do lists qu’on n’arrive plus à tenir, transformons-les en listes de choses à apprendre. Transformons-les to do en to learn.
Demain vous ne ferez pas x, y et z, mais vous apprendrez pourquoi/comment quelque chose ; comment les oiseaux sont nourris dans leurs œufs par exemple, comme Léonard (véritable exemple retrouvé dans ses carnets) (mais ça peut être quelque chose de moins SVT).
Faire un peu d’introspection et écrire pourquoi on aime ce qu’on fait à la base, qu’est-ce qu’on veut raconter, ou qu’est-ce qu’on ferait si on avait peur de rien
✨ Se reposer ✨ (ce qui est plus un Gros Truc qu’un Petit Truc à mon avis)
Quand on bloque sur un projet en particulier, stylo en main :
Couper son téléphone et le mettre dans une boîte à chaussures pendant 10 mn pour se concentrer
Se forcer à écrire n’importe quoi pendant 5 mn quand on se sent bloqué·e
Si vous bloquez sur un embranchement dans votre arbre de décisions, utiliser l’astuce d’Emma Coats et ses 22 Rules of Storytelling de Pixar que je vous remets ici :
“Lorsque vous êtes bloqué, faites une liste de ce qui ne devrait pas se produire ensuite. Souvent, ce qui vous permettra de sortir de l’impasse se révèlera [en creux].”
Changez de lieu pour travailler
Changez de format (si vous êtes coincé·es dans votre rédaction, faites une liste de bullet points, si vous êtes bloqué·es dans vos dialogues, rédigez une autre partie plus “narrative”)
Prendre l’air (Comme disait Ingmar Bergman, “Demons hate fresh air”)
Si vous avez des Petits Trucs bien à vous je serais curieuse de les lire en commentaires ! 👇🏼💬
On dit que “Rome ne s'est pas faite en un jour”. Et c’est vrai, car la ville est encore en travaux.
Mais vous savez quel est le premier Petit Truc qu’a fait Romulus ? Il a pris sa charrue, un boeuf et une vache, et il a tracé un sillon autour du Palatin. Fin de journée, machine lancée (bon après il a tué son frère Rémus car Rémus aurait voulu faire le sillon à un autre endroit, mais c’est une autre histoire).
✌🏼
Cette semaine dans la boîte à inspirations et recommandations, nous avons :
🌐 Tous les épisodes de ma première série “Femmes et scénaristes à Hollywood au début du siècle” de la Revue de la Cité sont sortis ! Vous pouvez les retrouver en cliquant sur les liens ci-dessous 👇🏼
1900-1945, Essor et Déclin des femmes scénaristes à Hollywood (spoiler, ça énerve un petit peu)
Le mystère Marguerite Bertsch (Marguerite m’a intriguée)
Oscars en main et poing levé, l’héritage de Frances Marion (Frances m’a impressionnée)
Anita Loos : les hommes préfèrent les blondes… et les femmes dans l’ombre (Anita m’a fendu le coeur)
💥 Cette dame de 103 ans avait un souhait très précis pour son anniversaire : faire une grosse rave party dans sa maison de retraite. Et tout le monde s’est pris au jeu.
😯 Un test ADN d’un cheveu de Beethoven montre qu’il avait une prédisposition génétique plutôt faible pour ce qui est du sens du rythme. Bonne nouvelle, on peut croire en nos rêves (après si ça se trouve, il aurait été un horrible joueur de djembé me direz-vous).
📺 Le documentaire "Des femmes au salon" de Carole Wrona sur Arte, qui met en lumière ces femmes fortunées de l’Ancien Régime qui ont contourné les règles pour se mettre au centre de la vie culturelle, intellectuelle et philosophique européenne.
🕰 En ce jour il y a 128 ans, le 6 avril 1896, c’était la cérémonie d’ouverture des premiers Jeux olympiques modernes à Athènes.
C’est également en ce jour il y a 825 ans que le roi d'Angleterre, Richard Coeur de Lion, meurt d’une flèche envoyée par un chevalier bibliothécaire limougeaud à Châlus, ce qui est bizarre car le tir à l’arc n’est un sport olympique que depuis 1972 et la succession des mots “chevalier bibliothécaire limougeaud” ne fait aucun sens.
Coïncidence, je ne sais pas, mais c’est la Journée mondiale du sport pour le développement et la paix.
💬 La citation de la semaine :
“La créativité n'est pas un talent, c'est un mode de fonctionnement” - John Cleese, qui doit sûrement être adepte du Petit Truc
Dans le prochain tchik tchak…
… on parlera de comment garder la motivation au fil des projets.
Et pour rattraper les anciens numéros c’est 👉🏻 par ici 👈🏻
À la semaine prochaine !
Pauline
Je préfère cette distinction entre les termes “amateur” et “professionnel" par le peintre Ben Shahn :
“Un amateur est un artiste qui subvient à ses besoins grâce à des emplois extérieurs qui lui permettent de peindre. Un professionnel est quelqu'un dont l'épouse travaille pour lui permettre de peindre.”
Merci pour cette newsletter passionnante et… motivante !
Super newsletter, comme toujours ! On se dit souvent que l’envie précède l’action, mais l’inverse est vrai aussi, ça fait du bien de le rappeler