Comment votre perfectionnisme sabote vos projets (et comment y remédier)
# 56 - ... avec 3 techniques pour oser mettre le point final
Hello 👋🏼
Bienvenue dans ce numéro 56 de tchik tchak !
Pour rappel, tchik tchak c’est la newsletter sur l’écriture avec des solutions & des idées. Elle s’adresse à tous ceux qui sont curieux et qui veulent écrire, professionnellement ou non, que ce soit des histoires ou des scénarios.
En un coup d’oeil :
Pourquoi on a peur de terminer
3 techniques pour rassurer notre perfectionnisme
La boîte à inspirations et recommandations
Vous êtes face à votre texte, vous savez qu’il est presque prêt, mais quelque chose vous retient. Vous le relisez une quinzième fois. Vous ajustez une phrase, rajoutez un détail. Et puis, vous doutez. Ce passage ne vous fait plus rire1. Celui-ci vous parait terne. Ce salopiaud de Critique Intérieur se réveille :
“Mais on s’en fout de tout ça, non ? C’est méga bateau en plus.”
Et puis comme il vous a cueilli dans un moment de vulnérabilité, vous l’écoutez.
“Oui tu as raison, Blaise. Ça pourrait sûrement être mieux.”
Et hop, vous repartez pour une seizième relecture, avec cette fois l’objectif de douter de TOUT ce que vous avez écrit ces 6 derniers mois.
Et le problème, c’est que ce processus peut durer indéfiniment. Pourquoi ?
Parce que terminer est un acte de courage :
Terminer, c’est risquer le jugement des autres.
Terminer, c’est renoncer à l’idée du chef-d’œuvre parfait.
Terminer, c’est accepter que l’oeuvre vivra avec ses imperfections, et que quand vous la relirez dans un an, vous ne comprendrez pas comment vous avez pu écrire une phrase aussi éclatée au sol et un passage aussi flasque.
Donc on flippe.
Et ces peurs sont normales. Mais comme le dit l’adage : “Le mieux est l’ennemi du bien" :
Il faut, à un moment, décider de s’arrêter.
Comment faire ce choix sans regrets ?
Je vous propose 3 techniques pour mettre de notre côté toutes les chances de se dire : “Ok, j’ai fini, je mets le point final et je te laisse prendre ton envol petit projet”.
Ce sont des techniques que j’ai appliquées pour l’écriture de mon livre2 ainsi que pour mes projets de scénario - si vous en avez d’autres, n’hésitez pas à les partager en commentaires.
Technique 1 : clarifiez votre vision pour définir ce qui compte vraiment
Être perfectionniste c’est aimer peaufiner le moindre détail, la moindre tournure de phrase, la moindre ponctuation qui mériterait un espace avant et non après.
Le problème qui en découle, c’est qu’en réduisant son champ de vision pour n’avoir qu’une lorgnette de micro-micro-management, on perd complètement de vue le travail que l’on fait dans son ensemble.
La solution : gardez sa vision claire, tel un phare dans le brouillard.
Pour cela, posez-vous trois questions fondamentales et écrivez vos réponses sur un post-it que vous aurez constamment sous les yeux :
Quel est le cœur de mon histoire/projet ?
Qui est mon public cible ? (à qui je m’adresse ?)
Quelle émotion principale veux-je transmettre ?
Voilà le post-it que j’avais toujours sous les yeux en écrivant mon bouquin :
Technique 2 : éliminez le superflu pour sécuriser la structure
L’autre problème du perfectionnisme, c’est qu’à chaque passe de relecture on veut rajouter des choses.
Une phrase pour clarifier, approfondir, illustrer, ou même mener à une autre nuance et boum : nous revoilà dans le rabbit hole du détail.
Mais vouloir tout inclure peut créer une surcharge qui affaiblit la cohérence globale.
Un livre / scénario / projet / film bien rythmé et bien structuré souffre immanquablement de ce petit rajout, qui, à tête reposée (ou simplement “à tête qui n’est pas la sienne”), semble superflu, redondant, moins impactant. Et du coup, on décroche.
Le Superflu est l’ennemi de la Structure.
Et vous conviendrez que c’est TRÈS dommage quand ce petit superflu a été rajouté dans une phase maniaque de cinquième relecture perfectionniste pas nécessaire.
La technique ici est de relire chaque chapitre ou paragraphe ou scène en vous posant trois questions :
Est-ce que cela sert ma vision ?
Est-ce que cela enrichit ou ralentit le rythme ?
Si je le supprime, est-ce que mon projet tient encore debout ?
Et de supprimer sans hésiter tout élément qui échoue à deux questions sur trois.
Pas facile à maîtriser celle-là. Notamment répondre à la question "Est-ce que cela enrichit ou ralentit le rythme ?". Savoir à quel moment le point que l'on veut faire est suffisamment 1) clair, 2) compréhensible et 3) illustré. C'est la question qui m'a le plus hantée durant l'écriture : est-ce qu'on comprend quelque chose à ce que je raconte ? Donc vive les petits dessins et les exemples pour se dire que là, normalement, je ne peux pas faire mieux pour expliquer un concept abstrait.
Technique 3 : peaufiner le style sans se perdre
Ici on parle des ajustements stylistiques, les éléments de surface qui impactent la fluidité et le plaisir de lecture.
Une fois la structure en place, le perfectionnisme pousse à multiplier les retouches stylistiques sans fin, souvent au détriment de l’efficacité.
La solution : limitez vos ajustements à une seule passe ciblée, avec un cadre clair et des priorités définies.
Pour chaque passage, phrase, dialogue ou description, posez-vous ces questions simples :
Est-ce clair ? → peut-on le comprendre sans effort ?
Est-ce vivant ? → est-ce que cela capte l’attention ou l’émotion ?
Est-ce utile ? → est-ce que cela apporte quelque chose à l’ensemble ?
Si c’est oui, oui et oui, on se fait une petite tape dans le dos et on AVANCE sereinement en se disant que ce passage est validé.
C'est mon talon d'Achille. Comme j'ai tendance à confondre les mots et à écrire des phrases trop longues, je suis devenue extrêmement exigeante sur ce point. Ce qui n'est pas plus mal, car croyez-moi, je ne souhaite à personne de lire mes premières versions. Mais le côté verso, c'est que mon perfectionnisme s'y est donné à coeur joie, tel un petit cochon dans la fange.
Construire, ajuster, puis avancer
Terminer un projet d’écriture, c’est accepter qu’une œuvre ne sera jamais parfaite, mais qu’elle doit exister pour avoir un impact - que ce soit être relue par quelqu’un d’autre pour passer le prochain palier de développement, que ce soit trouver son public ou que ce soit vous permettre d’être payé·e.
Quand j’étais pétrie de doutes, je suis souvent revenue à la “vision” que j’avais écrite sur mon post-it, qui peut aussi se résumer universellement à : "Est-ce que mon texte raconte ce que je voulais raconter ?".
Si oui, il est temps de déclarer le projet terminé.
Redéfinir nos attentes
Voici en vrac des petites choses que je me suis dites pour me rassurer au fil de l’écriture de mon bouquin :
Les lecteur·ices recherchent des émotions, pas des textes impeccables.
Il faut accepter que ce qu’on fait ne parlera pas à tout le monde, mais qu’il a sa place pour quelqu’un.
Une histoire assez bonne est une histoire qui fonctionne, pas une histoire parfaite.
Au moins j’essaye et je suis sincère.
Ça sera au moins pas pire à lire que Truby.
Ce qui compte, c’est de progresser à chaque nouveau projet.
C’est le mieux que j’ai à offrir là, maintenant, dans cette tranche de vie.
Aujourd’hui (ou lundi, car on est samedi), relisez votre projet sur lequel vous traînez et demandez-vous : "Qu’est-ce qui m’empêche de le finir ?"
Et appliquez une des trois techniques pour y mettre un point final.
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Cette semaine dans la boîte à inspirations et recommandations, nous avons :
🗞️ Qui dit nouveau mois, dit nouveau cycle pour La Revue de la Cité ! Parlons donc de GASTRONOMIE.
Après un premier numéro explorant les liens entre gastronomie et fiction historique, je me suis demandée pourquoi est-ce que les plats de cinéma nous poussent-ils à réserver des billets d’avion ? Quel est l’impact de ces fictions gastronomiques sur le tourisme d’une région ?
😯 J’ai trouvé pire fabophile que moi : Jacqueline et ses 193 000 fèves (bon, elle a 88 ans).
🕰 En ce jour le 18 janvier je n’ai pas trouvé grand chose de croustillant dis donc ! Et vous allez être fier·e de moi : j’allais passer des heures à essayer de trouver un truc marrant, mais forte des enseignements de ce numéro, je vais m’arrêter là, car suffisant is better than perfect.
💬 La citation de la semaine :
“Soyez comme un canard, soyez calme en surface et pagayez comme un diable en dessous” - Michael Caine
Remise en lumière de la semaine
Dans le prochain tchik tchak…
On parlera de comment écrire ce qu’on n’ose pas écrire (mais qu’on devrait).
À la semaine prochaine !
Pauline
Une blague est rarement drôle 1) quand on l’a écrite et 2) relue dans divers états de stress et de doutes
Je vais beaucoup parler de mon livre ici car j’ai rendu la vdef début janvier et je me suis battue avec mon perfectionnisme dessus, mais c’est vraiment applicable pour tout type de projets
Je suis triste de ne pas pouvoir contribuer au sondage. Merci pour cette lettre qui fonctionne pour tous types d'écrit, y compris des communications scientifiques ! Mes textes préférés ne sont pas les plus "polis". Je vais garder cette lettre sous le bras pour ma prochaine incursion dans la fiction.
Merci Pauline pour ces (très) sages paroles qui font un bien fou (en plus d'être utiles !)