Maximiser ses phases d'écriture et de relecture
# 25 - ... ou comment être à la fois élève et professeur
Hello 👋🏼
Bienvenue dans ce numéro 25 de tchik tchak !
Pour rappel, tchik tchak c’est la newsletter sur l’écriture avec des solutions & des idées. Elle s’adresse à tous ceux qui sont curieux et qui veulent écrire, professionnellement ou non, que ce soit des histoires ou des scénarios.
(Si la lecture du mail ne se passe pas bien, vous pouvez le lire dans votre navigateur)
En un coup d’oeil :
Être un élève libre
Être un·e professeur·e intransigeant·e
La boîte à inspiration avec un lapin libre et un café japonais intransigeant
Quand on écrit on n’est jamais vraiment seul·e : il y a bien sûr nos personnages, ce forceur de critique intérieur, parfois un chat qui vient s’allonger sur le clavier, et puis ce dialogue interne entre l'imaginaire (l'élève) qui propose des idées sans limites, et l’analytique (le professeur) qui les évalue et les affine.
Même si ces deux attitudes peuvent sembler contradictoires, il est primordial de les développer chacune dans leurs coins et puis ensemble, en harmonie, pour maîtriser son artisanat. C’est un peu comme du patinage artistique : chacun doit à la fois bien bosser de son côté ses mouvements en solo, et puis ensemble pour les combiner dans la chorégraphie (enfin je dis ça, je n’ai jamais fait de patinage artistique).
Comment se sentir à la fois serein et libre dans la phase de création, et puis devenir objectif et rigoureux dans la phase de relecture ?
Comment tirer le maximum de ces deux phases d’apparence contradictoires, et comment passer de l’une à l’autre ?
Quelques conseils 👇🏼
En tant qu’élève :
Écrivez régulièrement
Tout comme les élèves ont piscine tous les mercredis matins à 8h, puis histoire-géo à 10h où ils sont comateux et sentent le chlore, il est primordial de se créer une routine d’écriture quand on veut écrire.
On en listait d’ailleurs tous les bienfaits ici, notamment pour vaincre la page blanche.
La clef étant évidemment de tester des choses, de voir quelle routine convient à son rythme, et de se rappeler que la régularité revêt différentes formes :
(D’ailleurs dans le prochain numéro, je vous ferai le best of des routines les plus absurdes des grand·es créateur·ices de ce monde, avec le petit jeu “Routine, TOC, ou les deux ?")
Ecrivez différentes choses
Je ne vais pas vous faire le coup des acronymes, mais les maîtres mots d’un “bon” élève pourrait être Curiosité, Heuristique (l’art d’inventer et de faire des découvertes, du grec ancien εὑρίσκω, heuriskô, “je trouve”), Apprentissage, et Tentative (Les petits trucs ! L’action ! La motivation ! Yay !).
(ok, ça fait C.H.A.T.)
En étant curieux et en apprenant constamment, on envisage son artisanat avec une approche heuristique, et surtout on tente des choses.
Personnellement je trouve bénéfique de ne pas écrire que de la fiction quand on est scénariste ou auteur·ice. Varier les formats permet de développer sa voix, stimuler sa curiosité dans d’autres domaines, et donc affiner ses idées, les mettre au clair, et continuer à développer le muscle de l’écriture même quand l’imagination a besoin de se reposer.
L’approche la plus simple est de tenir un petit journal de bord pour écrire ses idées quand vous en ressentez le besoin, que ce soit lors d’un blocage précis d’écriture (on en parlait ici), pour préparer la semaine à venir, faire le suivi de vos avancées, ou même lister toutes les idées de fiction qui vous traversent comme H. P. Lovecraft et son Journal de Banalités.
Ecrivez pour vous-même
Tel un élève qui apprend et explore librement, commencez par écrire pour vous-même, en vous concentrant sur l’histoire que vous voulez racontez. À ce stade il n’y a que vous et vos personnages, pas d’attentes extérieures ; que de la créativité pure.
C’est exactement ce que fait Stephen King, ce qu’il raconte dans Ecriture : Mémoire d’un métier :
“Le fait de raconter mon histoire telle qu’elle me vient à l’esprit, en ne regardant en arrière que pour vérifier le nom de mes personnages, me permet de conserver intact mon enthousiasme d’origine.”
Laissez libre cours à vos idées sans jugement, sentez vous libre car vous pouvez vous faire confiance - dans la phase de relecture, le professeur sera efficace.
Passer de l’un à l’autre
“Écrire, c'est s'hypnotiser pour croire en soi, travailler, puis se “déshypnotiser” et relire froidement le texte.” - Anne Lamott
Trois petits conseils pour se déshypnotiser et alterner entre ces rôles :
Relecture à froid : Laissez votre texte de côté pendant quelques jours, pour le revoir avec un regard neuf.
Planifiez des temps distincts pour créer et évaluer : Planifier des moments dédiés à l'écriture libre et des moments dédiés à la relecture ; séparer les processus créatifs des processus analytiques.
Une nouvelle expérience : Changer de support ou de format (si vous pouvez imprimer c’est le luxe absolu) et surtout changez de lieu, avec un espace dédié de relecture, que ce soit dans le canapé, dans un café ou une autre pièce.
En tant que prof
L’objectif désormais est d’identifier les forces et les faiblesses de votre texte, et d’adopter une perspective constructive comme le ferait un (bon) professeur avec un élève.
⚠︎ Un professeur n’est pas un critique. Un critique n’est que la moitié du professeur. Un critique analyse et juge, un professeur analyse, juge, fait des retours constructifs et propose des solutions.
Le but est simple : il faut être aussi passionné dans l’écriture que rigoureux dans la réécriture.
1️⃣ Préparer la relecture
Avant de commencer la phase de réécriture, on peut écrire ce qu’on espère d’elle. Cette liste peut servir à garder ses objectifs de professeur clairs.
Par exemple, “je veux que l’histoire soit drôle, rythmée, véhicule un sentiment d’empathie pour tel personnage malgré son trait de caractère, etc.”
Revenez à cette liste à la fin de la lecture, répondez honnêtement si ces objectifs sont atteints et faites confiance aux émotions que vous ressentez lors de la relecture.
2️⃣ Avoir une approche méthodique
Je vous garantis que cette première lecture va être très agréable - dans tous les cas moins pire que ce que vous avez pu y projeter à la fin de votre écriture.
Avant toute chose, sachez que votre relecture se divisera automatiquement en plusieurs passes, car il est impossible d’avoir l’oeil au four et au moulin. Concentrez-vous à chaque fois sur des aspects différents (ressenti global et structure, puis cohérence des personnages, grammaire et orthographe, style, etc).
Installez-vous confortablement et partez à la rencontre de votre créativité :
Créer un code de couleurs
Pour ces retrouvailles avec votre texte, prenez juste trois stylos de couleurs différentes, et lisez le plus fluidement possible :
Marquez en vert les passages qui vous plaisent et fonctionnent, en orange ceux dont vous doutez, et en rouge ceux à améliorer (zéro originalité sur le choix de couleurs)
Notez également rapidement dans la marge vos ressentis qui apparaissent au fil de cette première lecture (ce sont les ressentis les plus précieux car les plus “objectifs” !).
Avoir une checklist de révision
Une fois que vous avez fait cette première lecture et que vous avez barbouillé votre texte de couleurs et commentaires, vous pouvez ajuster votre microscope et passer en micro-management.
Lors de la passe “Micro-management scène à scène / chapitre à chapitre”, aidez-vous d’une petite liste scolaire comme celle-ci pour s’assurer que les essentiels sont là :
✅ La scène fait avancer l’action…
✅ … En donnant une nouvelle information sur l’intrigue ou le personnage
✅ Le personnage aborde la scène avec un objectif simple qui va être compliqué/contrecarré/etc.
✅ Ses motivations et son état psychologique sont clairs à chaque scène.
Pour cette passe de micro-management, je vous conseille de faire des pauses, soit entre chaque scène, soit entre chaque mouvement de votre histoire, pour bien vous assurer que vous ne repartez pas dans une relecture fluide globale, et que vous restez bien dans cette approche de micro-management Petite Fourmi.
PS : attention au retour de ce coquin de critique interne. Si vous sentez qu’il est trop difficile d’être objectif sur votre texte, c’est tout à fait normal - dans ce cas ne forcez pas la relecture de vos textes. Parfois, le regard d'une tierce personne peut servir de pont entre l'élève et le professeur en vous. Et vous n’aurez qu’à lire ce numéro 👇🏼
Même si ça peut sembler fastidieux, l’étape de relecture est à la fois importante et joyeuse car ça y est, vous avez de la matière ! Il y a de fortes chances qu'une réécriture améliore votre travail, et non qu'elle le détériore.
Si vous avez d’autres techniques pour cette phase de relecture n’hésitez pas à partager en commentaire, je suis curieuse et ça peut en aider d’autres !
✌🏼
Cette semaine dans la boîte à inspirations et recommandations, nous avons :
🗞 Les scénaristes ont des super-pouvoirs. Un des meilleurs ? Ils peuvent réinventer la politique ! C’est le départ de ma deuxième série pour la Revue de la Cité, où le thème, vous l’aurez compris, est Comment les scénaristes réinventent la politique, en quatre parties. Et pour ce premier numéro, ça sera grâce à l'humour : cliquez sur ce joli lien pour lire l’article.
😯 Ce café japonais a une solution redoutable contre la procrastination : il ne vous laisse pas partir tant que vous n’avez pas atteint vos objectifs d’écriture. Et les règles sont strictes :
En entrant dans le magasin, notez à la réception le nombre de mots et l'heure à laquelle vous allez écrire votre manuscrit.
Le directeur vous demande toutes les heures où en est votre manuscrit.
Vous n'êtes pas autorisé·e à quitter le café tant que vous n'avez pas fini d'écrire votre manuscrit ou votre projet d'écriture.
(Info repérée dans la newsletterde Noémie Aubron, qui est très chouette et que je vous conseille d’aller lire)
📚 La BD de Jul et Aïtor Alfonso La Faim de l’Histoire, toute l’Histoire du monde à travers la gastronomie, c’est méga sourcé, plein d’anecdotes, de jeux de mots et de dessins rigolos, bref, un RÉGAL.
🕰 En ce jour il y a 45 ans, le 20 avril 1979, alors qu’il était en vacances, le président des Etats-Unis Jimmy Carter est attaqué par un lapin aquatique.
"Il sifflait de façon menaçante, ses dents brillaient et ses narines étaient dilatées, et il se dirigeait tout droit vers le président" - Communiqué de presse.
Le président lui a donc filé quelques coups de pagaies et sauvé la destinée du monde libre. Dix jours plus tard, un zoologiste a rejeté l'idée que le lapin ait attaqué Carter, déclarant "qu'il était probablement effrayé et essayait de trouver un endroit sec où aller". Comme nous tous petit lapin, comme nous tous.
💬 La citation de la semaine :
"Écrire est humain, corriger est divin." - Stephen King
Dans le prochain tchik tchak…
… on parlera des routines les plus absurdes des grands créateur·ices.
Et pour rattraper les anciens numéros c’est 👉🏻 par ici 👈🏻
À la semaine prochaine !
Pauline
Merci beaucoup Pauline pour cette newsletter que je trouve super ! Elle est pédagogue, claire, simple et toujours avec son lot de nouveautés ! Et j'aime bien l'approche. Je suis tranquillement l'ordre proposé dans le sommaire vu que cela fait seulement quelques semaines que je découvre ce grimoire de magie.
La technique de bien séparer l'écriture hypnotisante de la relecture me parle bien, j'avoue ne pas être arrivé à ce niveau de détail. Je vais tester cette méthode, ça donne envie ! Encore un très grand merci !
J'ai deux moments importants de relecture : le moment du passage de l’écriture à la main qui est une écriture pour moi quasi automatique, le geste de la main est automatique, la concentration est totale sur ce que j'écris. À la phase d'écriture avec un logiciel dédié style Scrivener ou Final Draft.
Et la deuxième grande réécriture c'est quand je fais passer mon texte à la moulinette d'un logiciel de correction comme Antidote. Évidement, entre ces deux stations il y ' des réécritures intermédiaires.
Attention ces logiciels restent des outils pas une fin en soi.