Créer des personnages imparfaits (oui, ils n'ont pas à être gentils pour être aimés)
# 53 - ... et pourquoi les personnages parfaits nous ennuient
Hello 👋🏼
Bienvenue dans ce numéro 53 de tchik tchak !
Pour rappel, tchik tchak c’est la newsletter sur l’écriture avec des solutions & des idées. Elle s’adresse à tous ceux qui sont curieux et qui veulent écrire, professionnellement ou non, que ce soit des histoires ou des scénarios.
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En un coup d’oeil :
Ce qui nous touche dans un personnage
Comment utiliser les échelles de Sanderson
La boîte à inspiration
Quand on aime quelque chose, c’est parfois difficile d’expliquer exactement pourquoi. Autant je sais pourquoi j’aime jouer à Football Manager ou Age of Empire 2 (car ils me donnent un sentiment de contrôle et de folie des grandeurs que je n’ai pas dans mon quotidien), autant je ne sais pas exactement pourquoi je préfère Lisa Simpson ou Amy Santiago de Brooklyn Nine-Nine à Hermione Granger, alors que c’est archétypalement le même personnage.
En cette fin d’année, j’ai voulu comprendre ce qui fait qu’on aime ce qu’on aime, et qu’on n’aime pas ce qu’on n’aime pas.
Ce qui nous touche chez un personnage
Brandon Sanderson a introduit un concept appelé les Three Character Scales, ou les 3 échelles du personnage. Selon lui, un personnage est régi par ces 3 dimensions :
L’échelle de compétence, qui mesure à quel point le personnage est compétent1.
L’échelle de proactivité, qui mesure le degré d’initiative du personnage.
L’échelle de sympathie, qui mesure à quel point le public apprécie le personnage ou s’y identifie.
⚠️ Faites en sorte que votre personnage n’ait pas les plus hauts scores de ces 3 échelles en même temps au début de l’histoire.
Sinon ce serait un personnage parfait, donc un personnage chiant (oui, James Bond est un personnage intrinsèquement chiant, heureusement qu’il lui arrive des trucs).
Le piège du personnage trop gentil
Cette dernière échelle de sympathie peut être particulièrement piégeuse, et pour deux raisons.
Premier piège : autant les deux autres échelles peuvent accepter un 5/10 en réponse, autant je vous déconseille de couper mou au milieu pour celle-là.
Si votre personnage ne déclenche aucune émotion chez votre lecteur, alors c’est une occasion perdue.
L’importance est d’avoir un personnage émotionnellement engageant, qu’il soit admiré, aimé ou détesté.
Susciter la sympathie peut se faire de multiples façons, voici un petit échantillon :
Par exemple, voici la 🐺 Game of Thrones edition 🐺 de cette progression, prouvant que chaque personnage nous implique émotionnellement :
Antipathie : Joffrey “Détestable” Baratheon et Jaime Lannister
Respect Distant : Tywin Lannister, respect & charisme mais pas d’attachement
Attachement Mitigé : Littlefinger
Empathie : la Stark family et Tyrion Lannister au fil des saisons
Admiration : Daenerys “Sacrée Pépette” Targaryen (au début)
Fascination : CERSEI évidemment, mais aussi Arya Stark Sans-Visages
(PS : cette répartition est personnelle, le point étant que tous les personnages suscitent quelque chose)
Deuxième piège : méfions-nous de notre peur que le public n’aime pas notre personnage.
Penser que votre personnage ne sera sympathique auprès du public que s’il est Gentil avec un grand G comme Sam Gamegie dans Le Seigneur des Anneaux est une erreur.
La preuve, qui répond “Sam Gamegie” quand on demande "Quel est ton personnage préféré du Seigneur des Anneaux ?” Personne.
Le public se connecte aux vulnérabilités, failles et désirs profonds d’un personnage.
On peut par exemple citer BoJack Horseman ou Scarlett O’Hara dans Autant en Emporte le Vent, tous deux loin d’être gentils et parfaits, mais compréhensibles (et vulnérables) dans leurs parts d’ombre, et donc le public peut s’y connecter.
Sam Gamgee n’a pas de part d’ombre, car il est lui-même l’ombre de Frodon, du coup, il est chiant.
Comment utiliser les échelles de Sanderson
1️⃣ Positionne ton personnage sur chaque échelle.
Exemple : Bilbon Saquet (The Hobbit) a 0 en compétence en aventure, 10 en sympathie et 2 en proactivité (il réagit plus qu’il n’agit).
2️⃣ Si une des échelles est faible, compense en renforçant les autres pour maintenir l’intérêt du lecteur.
C’est ce qu’a fait Tolkien avec Bilbon : comme il est nul et mou, il est SYMPA.
C’est pareil pour Bridget Jones : elle a peu de compétence et est moyennement proactive… Ce qui est compensé par un capital sympathie élevé, et une promesse de transformation claire (de proactive à active, et de maladroite qui subit à maladroite qui s’en sert comme arme de séduction massive).
Cette configuration de “nul, mou, mais sympa” est souvent utilisée pour le protagoniste, mais ce n’est pas la seule. Prenons Dr. House de la série éponyme.
Il a des faibles scores en sympathie et en proactivité (il réagit aux urgences et à la pression mais il ne fait pas des heures supp’ par plaisir)… qui sont compensés par un haut score en compétence.
Mais attention, pour que ce genre de personnages touche quand même le public, il faut dans ce cas renforcer la fascination et créer une intrigue qui exploite ses compétences spécifiques, sinon il semblera inutile.
3️⃣ Adapte au rôle narratif du personnage dans l’histoire.
Un protagoniste doit souvent être élevé en sympathie (et proactivité) même s’il est incompétent au début.
Un antagoniste est généralement très compétent et proactif, mais antipathique.
Un sidekick est très haut en sympathie, assez faible en proactivité (il est réactif au protagoniste généralement) et, quant à la compétence, il peut être proche de 0 (sidekick comique) ou au contraire sidekick qui sauve les meubles (comme Hermione)
4️⃣ Donner du mouvement le long de ces échelles au fur et à mesure que l’histoire se déroule pour qu’il y ait une transformation, et donc une connexion émotionnelle avec le public.
Maintenant je sais pourquoi j’aime moins Hermione que Lisa ou Amy même si c’est archétypalement le même personnage.
Elle m’est plus distante émotionnellement, car je la sens moins vulnérable que les deux autres, vu que Lisa doit se battre constamment dans un monde qui ne la comprend pas, et que Amy est bourrée de failles et de vulnérabilités.
Merci Brandon.
✌🏼
Cette semaine dans la boîte à inspirations et recommandations, nous avons :
🎁 Si vous êtes des parents du Wokistan, Morgan Noam a compilé une liste de livres à offrir aux petits et aux ados pour aborder les thèmes du Wokistan, comme les différentes formes de famille, les stéréotypes de genre, mais aussi mettre en lumière les différences, parler de consentement, d’écologie, i tutti quanti.
😯 Combien de salles de bains ont des Néandertaliens dans le carrelage ? Je n’ai pas tout compris, si ce n’est cette conclusion : “Cela signifie qu'il pourrait y avoir beaucoup plus d'ossements de Néandertaliens dans les sols et les douches qu’on ne le pense.” En même temps, qui y a déjà pensé ?
🕰 En ce jour il y a 521 ans, le 14 décembre 1503, naissait Nostradamus, qui a fait tout plein de prévisions compilées dans son bouquin Les Prophéties. Selon Nostradamus (fun fact : il s’appelait Michel en fait), 2025 serait une année horrible avec une "guerre cruelle" entre deux puissances, dont le Royaume-Uni2.
💬 La citation de la semaine :
“Je ne peux pas le porter pour vous M’sieur Frodon, mais je peux vous porter vous !” - SamSam Deliveroo 3
Remise en lumière de la semaine
Dans le prochain tchik tchak…
… c’est le hors-série de fin d’année !
À la semaine prochaine !
Pauline
Et comme dit Brandon Sanderson, on ne parle pas forcément d’une compétence “wahou” comme une souplesse à la Yamakasi ou un maniement d’épée à la Braveheart - on parle d’une compétence qui a du sens et une cohérence dans le domaine de l’intrigue.
source Marie-Claire, il y a donc une chance que ce soit faux.
Pour tous les fans de Sam Gamegie, mes excuses pour ce numéro, j’y suis peut-être allée un peu fort. Je n’ai rien de personnel contre ce bon vieux Sam, surtout que je suis persuadée qu’il est amoureux de Frodon depuis toujours.
Super intéressant ! Je crois que je vais découvrir les personnages des livres que je lis autrement :)
Cersei forever. (Et merci pour cette source Marie-Claire qui m'a bien fait rire).