7 techniques pour créer des personnages mémorables
# 17 - ... avec l'aide d'invité·es qui ont écrit quelques trucs
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En un coup d’oeil :
7 techniques de grands auteur·ices pour créer des personnages mémorables
La boîte à inspiration avec (encore) une super mamie et les coulisses de Frankenstein
Economie de langage (méthode Hemingway) :
"Un écrivain doit écrire ce qu'il a à écrire, pas parler de ce qu'il va écrire."
Pas de fioritures pour Ernest, comme pour ses personnages : c’est la théorie de l’iceberg, aussi appelée la théorie de l’omission.
Selon Hemingway, tout comme la majeure partie d'un iceberg est cachée sous la surface de l'eau, le sens profond d'une histoire devrait être submergé sous la surface du récit. Selon cette théorie, un écrivain ne doit inclure que suffisamment de détails pour transmettre les circonstances immédiates de l'histoire, laissant au lecteur le soin de déduire les thèmes sous-jacents, les émotions et les informations de fond.
Dans Le vieil homme et la mer (1952), le personnage de Santiago est davantage développé par ses actions et un dialogue minimaliste que par des descriptions détaillées.
Pour faire des protagonistes stoïques comme Ernest :
👉🏻 Les personnages sont davantage définis par leurs actions que par leurs paroles.
👉🏻 Les dialogues sont concis et percutants.
On retrouve cet archétype de personnages de peu de mots, dont le silence et l'économie de langage accentuent le mystère et la profondeur :
le personnage interprété par Clint Eastwood dans Unforgiven
le personnage interprété par Ryan Gosling dans Drive
le personnage de Lisbeth Salander dans les romans de Stieg Larsson, Millénium
le personnage interprété par Alain Delon dans Le Samouraï
les papas au téléphone
La caricature et l’exagération (méthode Dickens) :
Charles Dickens a souvent recours à la caricature pour rendre ses personnages instantanément reconnaissables et mémorables.
"Il n'y a pas de règles de structure pour un roman. Il doit se construire lui-même."
Ce lâcher-prise prôné par Dickens permet aux personnages et à l'histoire de se développer naturellement, ce qui peut mener à des caractérisations plus riches et plus exagérées.
Ainsi dans Un chant de Noël (1843), Ebenezer Scrooge est caractérisé par son avarice exagérée, ou encore dans Les Grandes Espérances (1861) Miss Havisham est vêtue de sa robe de mariée défraîchie depuis des décennies et entourée des restes de son banquet de mariage non consommé.
👉🏻 Exagérer certains traits pour créer une impression forte et immédiate (à adapter au genre de l’histoire).
Les enfants de Dickens de la pop culture :
Jack Sparrow dans Pirates des Caraïbes
Miranda Priestly dans Le Diable s'habille en Prada
Stanislas Lefort, interprété par Louis de Funès, dans La Grande Vadrouille
L’ironie et discours indirect (approche d'Austen) :
Jane Austen a utilisé l'ironie et le discours indirect libre pour révéler les véritables pensées de ses personnages et les hypocrisies sociales.
"La personne, qu'elle soit douée ou non de sens, doit être une grande simplette si elle ne peut pas trouver un moyen de se mettre en valeur."
Ainsi dans Orgueil et préjugés, les commentaires ironiques d'Elizabeth Bennet et la façon dont elle cache ses véritables sentiments dans la conversation sont essentiels à la représentation de son personnage.
👉🏻 Utiliser l'ironie pour révéler les contradictions entre la personnalité publique d'un personnage et ses pensées intérieures :
En scénario, utiliser le sous-texte dans les dialogues où les personnages disent une chose mais en pensent une autre, révélant ainsi leurs véritables pensées et leurs commentaires sociaux.
En littérature, le discours indirect libre permet aux lecteurs d'accéder au monologue interne plus honnête d'un personnage.
Exemples :
Emma Bovary dans Madame Bovary de Gustave Flaubert nous révèle ses pensées profondes sur sa vie provinciale et son mariage insatisfaisant.
Le personnage de Mark Zuckerberg dans The Social Network utilise l'ironie et le sarcasme, ce qui nous révèle la complexité de son personnage, partagé entre son génie technique et ses difficultés à se connecter sur un plan émotionnel.
Katherine Clifton, interprété par Kristin Scott Thomas, dans Le Patient Anglais cache ses véritables sentiments derrière une façade de désinvolture et de sarcasme.
La profondeur psychologique (héritage de Dostoïevski) :
"Chaque personnage doit être une énigme en soi, un problème littéraire solvable."
Pas de surprise alors que les personnages de Dostoïevski soient souvent confrontés à des dilemmes psychologiques et existentiels (très) intenses.
Dans Crime et Châtiment, Raskolnikov est tiraillé entre deux idéaux et des motivations contradictoires.
👉🏻 Explorer des thèmes psychologiques et existentiels profonds et coincer vos personnages dans des dilemmes moraux internes complexes.
Les héros dostoïevskien ont influencé de nombreux personnages de cinéma, par exemple :
La complexité psychologique de Travis Bickle dans Taxi Driver reflète son trouble intérieur et son ambiguïté morale, ce qui rappelle un protagoniste dostoïevskien.
Le Joker dans The Dark Knight est tourmenté par des dilemmes psychologiques profonds, reflétant une ambiguïté morale.
Dans De battre mon cœur s'est arrêté de Jacques Audiard, le personnage principal, Tom, est partagé entre une vie de criminalité et son désir de devenir pianiste, reflétant une lutte interne profonde entre aspirations et réalité.
Le flux de conscience (technique de Woolf) :
Woolf utilise le flux de conscience pour plonger profondément dans la vie intérieure de ses personnages et explorer leurs états intérieurs, révélant la complexité des pensées et des émotions, créant un lien profond avec le lecteur.
"Je creuse des grottes derrière mes personnages; je les remplis de vieux meubles."
Woolf utilise le monologue intérieur pour plonger dans les états d'âme de ses personnages, comme Clarissa Dalloway dans Mrs Dalloway ou les multiples voix dans Les Vagues, qui réfléchissent à la nature éphémère de l'existence, à l'identité et aux liens qui unissent les êtres.
En gros vous prenez les protagonistes d’Hemingway et vous faites l’inverse.
👉🏻 Plonger dans le monde intérieur d'un personnage par le biais de longs monologues internes en littérature, et par le biais de voix off ou de séquences de montage en scénario pour transmettre les pensées et les émotions intérieures d'un personnage.
Exemples au cinéma et à la TV:
Dans Fight Club de David Fincher le narrateur, interprété par Edward Norton, utilise des monologues internes tout au long du film pour partager ses pensées cyniques sur la société moderne.
Dans Her de Spike Jonze les dialogues intérieurs et les interactions de Theodore avec Samantha (une intelligence artificielle) permettent de sonder la solitude de Theodore et sa quête de connexion.
Dans la série Fleabag créée par Phoebe Waller-Bridge, Fleabag s’adresse directement au public pour partager ses réflexions intérieures, révélant une profonde introspection et une conscience de soi.
Le développement non linéaire des personnages (la patte de Faulkner) :
William Faulkner disait :
"Le passé n'est jamais mort. En fait, il n'est même pas passé."
Faulkner applique ce petit mantra dans ses écrits, révélant les antécédents et les motivations de ses personnages d'une manière non linéaire, car les notions de passé présent et futur ordonnées de cette manière ça ne lui parle pas trop.
C’est ce qu’il fait dans son roman Le bruit et la fureur (1929), où l'histoire de la famille Compson est racontée à travers le point de vue de différents personnages dans un ordre non chronologique.
Dans son livre Write Like The Masters (2009), William Cane dit :
“William Faulkner a créé certains des personnages les plus tridimensionnels et les mieux équilibrés de la fiction moderne ... non pas ce que ses personnages font maintenant, mais qui ils sont, d'où ils viennent, ce qu'ils ont fait et pourquoi ils pourraient faire des choses étranges et inattendues à l'avenir.”
En effet, cette approche crée un sentiment de découverte et de profondeur au fur et à mesure que l'histoire progresse - demandant de la part du lecteur ou spectateur un lâcher-prise quasi aveugle. C’est un peu comme commander un cocktail dans un pays dont tu ne parles pas la langue, ça peut être super ou indigeste.
👉🏻 Utiliser des récits non linéaires pour révéler progressivement les traits de caractère et l'histoire des personnages. Dans l’écriture de scénarios, cela peut se faire par le biais de flashbacks ou d'une narration fragmentée afin de révéler les antécédents et les motivations des personnages d'une manière non linéaire.
Exemples :
Pulp Fiction de Tarantino utilise une narration non linéaire qui révèle lentement les différentes facettes de ses personnages.
Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry utilise une structure narrative non linéaire pour explorer les souvenirs d'un couple qui a subi une procédure pour effacer les souvenirs de leur relation.
Dans Memento de Christopher Nolan, la structure narrative non linéaire dévoile progressivement la psyché du personnage principal.
Voix et dialecte distinctifs (la signature de Twain) :
Twain est passé maître dans l'art d'utiliser des dialectes et des voix distinctifs pour ses personnages.
"La différence entre le mot juste et le mot presque juste est la même qu'entre la foudre et la luciole."
Une manière de s’exprimer authentique et engageante aide les personnages à se démarquer et à rester mémorables.
Ainsi la voix narrative de Huck Finn dans Les Aventures de Huckleberry Finn, caractérisée par son langage vernaculaire régional.
👉🏻 Créez une voix unique pour chaque personnage, en utilisant des dialectes et des modes d'élocution, révélant ainsi leur passé et leur personnalité.
Exemples :
Le dialecte sudiste des personnages de Forrest Gump ajoute de l'authenticité et de la profondeur à l'histoire.
Le personnage de Hagrid dans Harry Potter. Son dialecte unique et son mode de parole le distinguent clairement des autres personnages, illustrant son milieu d’origine différent.
Bienvenue chez les Ch'tis de Dany Boon. Le film utilise le dialecte régional pour créer un contraste humoristique et chaleureux, renforçant l'identité et la personnalité des personnages.
Trois petites règles cependant :
Mettre en œuvre avec parcimonie
Une utilisation excessive peut conduire à des caricatures plutôt qu'à des personnages bien équilibrés.Les techniques ne s’excluent pas
N'hésitez pas à combiner différentes techniques. Un personnage peut avoir une profondeur psychologique et s'exprimer dans un dialecte particulier, par exemple.S'adapter au genre et à l'histoire
Choisissez les techniques qui conviennent le mieux au genre, au cadre et au ton de votre histoire.
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Cette semaine dans la boîte à inspirations et recommandations, nous avons :
💥 Betty Brussel, canadienne de 99 ans, qui pulvérise trois records du monde de natation (dans sa catégorie)
😯 Saviez-vous que Frankenstein est le fruit d’un défi d’écriture lancé par une bande de potes dans une villa suisse au bord du Lac Léman et d’un looong blocage créatif de Mary Shelley ?
🕰 en ce jour il y a 88 ans, le 17 février 1936, apparaissait le premier super-héros dans une bande-dessinée, The Phantom, un adepte du latex violet.
C’est également le Jour national de l’acte de gentillesse gratuit, donc si vous voulez faire votre B.A. vous pouvez parler de cette newsletter autour de vous en cliquant sur ce gros bouton ci-dessous 🙏🏼
💬 la citation de la semaine pour se pousser à s’inspirer :
"Les bons artistes copient, les grands artistes volent." - On ne sait pas trop
Dans le prochain tchik tchak…
… on parlera de comment écrire des dynamiques de groupe réalistes.
Et pour rattraper les anciens numéros c’est 👉🏻 par ici 👈🏻
À la semaine prochaine !
Pauline
J'ai passé quelques semaines dans une villa voisine de celle où Mary Shelly a écrit Frankenstein, ils avaient une sacrée vue sur le lac Léman ! J'allais souvent m'asseoir dans le petit parc juste à côté. Sinon j'ai acheté le mois dernier un livre qui parle justement de cette période-là, Mary de Anne Eekhout, mais je ne l'ai pas encore lu.
Très très chouette cette édition !!